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Conventions de la rédaction

RAPPORT DU COMITÉ CHARGÉ D'ÉLABORER UN PROTOCOLE DE RÉDACTION LÉGISLATIVE BILINGUE POUR L'HARMONISATION À L'INTENTION DE LA CONFÉRENCE DES LOIS AU CANADA (Rapport Majoritaire)

Introduction
Faire l'historique du Protocole canadien de rédaction législative, c'est remonter aux origines de la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada (ancien nom : Conférence sur l'uniformisation des lois du Canada) et c'est en suivre étroitement l'histoire. Dès sa première assemblée annuelle en 1918, la Conférence, qui portait alors le nom de Conference of Commissioners on Uniformity of Laws throughout Canada, forma un comité chargé d'élaborer à son intention des règles de rédaction législative. Le comité présenta un rapport,
qui fut adopté au cours de la deuxième assemblée annuelle, en 1919.

En 1941, la Conférence demanda à un nouveau comité, qui se composait d'Erich H. Silk, de l'Ontario, et de J.P. Runciman, de la Saskatchewan, de réviser les règles adoptées en 1919. Le rapport de ce deuxième comité fut reçu et adopté en 1942. À la requête de la Conférence, les commissaires représentant la Saskatchewan entreprirent, en 1947, une nouvelle révision des règles de rédaction. La Conférence adopta en 1948 le rapport d'E.C. Leslie et de J.P. Runciman, et les règles ainsi révisées figurèrent dans une brochure intitulée Uniformity of Legislation in Canada - An Outline, que publia la Conférence en 1949.

Les Conventions ainsi que les Commentaries présentement en vigueur résultèrent du travail effectué par le Legislative Drafting Workshop (l'ancêtre de la Section de rédaction législative), dont les membres se réunirent pour la première fois en 1969. Grâce au travail acharné de quelques-uns de ses membres, et particulièrement de Glen Acorn, de l'Alberta, la Conférence put adopter, en 1976, la plus récente version des Conventions.
Les Commentaries to the Conventions, oeuvre d'Arthur Norman Stone, de l'Ontario, et de James Ryan, de Terre-Neuve, furent adoptés en 1978. (Les Conventions de 1976 furent modifiées deux fois, en 1981 et 1986.)

Les Conventions présentement en vigueur, à l'instar des protocoles antérieurs, furent adoptées en anglais uniquement et ne s'appliquaient qu'à la rédaction anglaise. Lorsque la Conférence décida d'adopter ses lois uniformes en anglais et en français, il parut opportun qu'elle se dote d'un protocole officiel de rédaction valable pour les deux langues. Parmi ceux qui ont consacré des efforts à l'étude de la question, il faut mentionner Gérard Bertrand, Claude Bisaillon, Alain-François Bisson, Alexandre Covacs, Bruno Lalonde, Bernard Méchin et Louis-Philippe Pigeon. Un avant-projet français fut déposé, sans toutefois être adopté, lors
de l'assemblée annuelle de 1984.

En 1987, il fallut toutefois se rendre à l'évidence qu'il n'était ni pratique ni réaliste d'avoir, pour la rédaction française et la rédaction anglaise, des protocoles distincts ne tenant aucun compte des règles applicables dans l'autre langue officielle. L'assemblée annuelle de Winnipeg établit par conséquent un comité des règles de rédaction bilingues. Le comité devait présenter son rapport en 1988, mais il s'aperçut rapidement qu'il lui faudrait plus d'un an pour mener à bon terme une tâche d'une telle ampleur.

Le protocole de rédaction et les commentaires proposés dans le présent rapport se fondent en grande partie sur l'avant-projet français mentionné ci-dessus ainsi que sur les Conventions et les Commentaries présentement en vigueur. Les membres du comité tiennent à rendre publiquement hommage à tous leurs prédécesseurs qui ont grandement facilité leur tâche et justement mérité la reconnaissance de tous les rédacteurs législatifs du Canada.

Le protocole proposé dans le présent rapport a été rédigé principalement par Cornelia Schuh, Donald Revell et Michel Moisan, du Bureau des conseillers législatifs de l'Ontario, qui ont bénéficié des commentaires précieux des personnes suivantes : Peter Pagano (de l'Alberta), Michel Nantel (du Manitoba), Gérard Bertrand et Lionel Levert (d'Ottawa), Jean Allaire (du Québec) et Elaine Doleman et Bruno Lalonde (du Nouveau-Brunswick). Le rapport minoritaire de Bruno Lalonde, publié séparément dans les actes des assises de 1989, nous rappelle utilement qu'il existe plus d'une façon d'aborder un sujet aussi complexe que la rédaction législative.

La Section de rédaction législative de la Conférence rend de grands services en stimulant la discussion sur des questions intéressant les rédacteurs anglophones; il est maintenant temps qu'elle rende le même service à leurs collègues qui travaillent dans des milieux francophones et bilingues. Les auteurs du présent document osent espérer que le travail de la Conférence dans le domaine de la rédaction bilingue pourra à la longue contribuer à l'évolution du « style canadien » unifié que prédisait Elmer Driedger.

Le présent protocole se présente sous forme de règles impératives. Le lecteur ne doit cependant pas oublier qu'il ne s'agit que de lignes directrices. Les contextes particuliers exigeront souvent des exceptions et des modifications.

Les protocoles de rédaction, par leur nature même, mettent l'accent sur les questions de forme. Le rédacteur doit cependant veiller tant au fond du texte et à la logique de son organisation qu'à son aspect purement formel.

I Généralités

Composition logique
1. Le texte de loi est organisé de façon logique.
Le respect de la progression normale des idées fait partie de la composition logique. Il convient de procéder du général au particulier et de présenter par exemple dans leur ordre chronologique les étapes d'une procédure judiciaire ou d'une demande adressée à une administration ou en émanant. Au sujet de la présentation logique, voir aussi la partie III.

Style
2. Le texte de loi est d'un style simple, clair et concis et comporte le degré de précision nécessaire. Il convient d'employer, autant que possible, le langage courant.
Si le texte est bien organisé, la simplicité et la concision cadreront bien avec la précision.
Il ne faut d'ailleurs pas exagérer le degré de précision nécessaire.

Caractérisation sexuelle
3. Il convient d'éviter toute caractérisation sexuelle.
Se rappeler que le texte s'adresse aux femmes autant qu'aux hommes.
Les artifices typographiques (parenthèses ou tirets par exemple) déparent le texte et entravent sa lecture; leur emploi est donc déconseillé. 

Il convient d'éviter les termes qui semblent ne viser que les hommes, et de privilégier l'emploi de termes « neutres » comme « quiconque » ou « la personne qui ». Pour éviter l'alourdissement du discours, on peut toutefois utiliser le masculin générique (« le président », « l'auteur de la demande ») et le masculin pluriel (« les employés », « les fonctionnaires »).

Les solutions aux problèmes de la caractérisation sexuelle se présentent d'une toute autre façon en anglais, en raison du fait que les substantifs anglais n'ont pas de genre grammatical, et également parce que les mots anglais s'accordent en nombre mais non pas en genre. Voir le commentaire anglais à ce sujet.

II. Éléments du texte de Loi

Éléments obligatoires
4. (1) Les éléments obligatoires d'un texte de loi sont le titre et les articles (numérotés de la façon suivante :
1, 2, 3...).
Les lois (et ordonnances) de toutes les autorités législatives du Canada comportent toujours une formule d'édiction, élément qui ne figure pas dans les lois uniformes.

Éléments facultatifs
(2) Le texte de loi peut en outre comporter les éléments suivants :
a) un préambule;
b) des parties (ainsi désignées : Partie I, Partie II...);
c) des annexes (ainsi désignées : Annexe I, Annexe II...);
d) des formules (ainsi désignées : Formule 1, Formule 2...).

Au sujet des les préambules, voir l'article 18.

Il est inutile de numéroter l'annexe ou la formule unique.

Sous-unités de l'article
(3) L'article peut comporter plusieurs paragraphes (ainsi numérotés : (1), (2), (3)...).

(4) L'article qui est d'un seul tenant et le paragraphe peuvent comporter plusieurs alinéas (ainsi désignées : a), b), c)...).

(5) L'alinéa peut comporter plusieurs sous-alinéas (ainsi numérotés : (i), (ii), (iii)...).

(6) Le sous-alinéa peut comporter plusieurs dispositions (ainsi désignées : (A), (B), (C)...).

Il importe d'éviter le fractionnement excessif, qui réduit la clarté du texte. Voir le
paragraphe 23(1).

Définitions
5. La définition fait partie d'un article ou d'un paragraphe. Elle commence par une majuscule, se termine par un point et ne porte ni numéro ni lettre. Les sous-unités éventuelles à l'intérieur d'une définition sont des alinéas, qui se présentent en retrait quadruple, divisés par des points-virgules et désignés par a), b) et ainsi de suite. 

Dans les lois bilingues, la présentation des définitions par ordre alphabétique dans les deux langues nécessite un système de renvois internes. Il est recommandé de faire suivre chaque définition dans une langue du terme défini dans l'autre langue (entre parenthèses).

Les conventions anglaises et françaises quant à la forme des définitions ne sont pas les mêmes.

L'exemple qui suit donne la forme recommandée de la disposition contenant des définitions en série :

1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
« mauvaise herbe » Pissenlit, herbe à poux ou chardon. ( weed )
« ministre » Le ministre de l'Agriculture. ( Minister )

Forme des articles et de leurs sous-unités
6. Les articles et les paragraphes commencent par une majuscule et se terminent par un point. Les alinéas se présentent en retrait double, commencent par une minuscule et sont séparés par des points-virgules. Les sous-alinéas se présentent en retrait quadruple, commencent par une minuscule et sont séparés par des virgules. Les dispositions se présentent en retrait sextuple, commencent par une minuscule et sont
séparées par des virgules.

Les « dispositions » qu'on trouve dans les textes de certaines autorités législatives se présentent en retrait double, numérotées en chiffres arabes. Elles commencent par des majuscules et se terminent par des points. Comme les alinéas, elles sont assujetties à la règle du parallélisme grammatical, mais elles peuvent comporter des phrases entières ou des morceaux de phrase. Elles sont plus autonomes que les alinéas, qui font toujours
partie intégrante d'une seule phrase.

III.PRÉSENTATION

Préambule
7. S'il faut ajouter un préambule au texte, on le place à la suite du titre.

Définitions
8. Les définitions constituent le premier article de la loi, sauf si elles ne portent que sur une partie ou sur un article ou groupe d'articles. Dans ce cas, elles se placent au début du passage dont il s'agit.
Interprétation et champ d'application 

9. Les dispositions relatives à l'interprétation ou au champ d'application de la loi suivent les définitions.

Dispositions habilitantes
10. Les dispositions habilitantes se placent à la fin du texte de loi et ne sont suivies que par les dispositions transitoires ou temporaires, les dispositions portant abrogation ou modification d'autres lois et les dispositions d'entrée en vigueur.

Dans le cas d'une loi divisée en parties, il peut s'avérer préférable de grouper les dispositions habilitantes à la fin des parties visées. 

Dispositions transitoires ou temporaires
11. Les dispositions transitoires ou temporaires suivent le passage auquel elles se rapportent.

Si elles se rapportent à la loi dans son ensemble, elles suivent les dispositions habilitantes.

Dispositions abrogatives ou modificatives
12. Les dispositions portant abrogation ou modification d'autres lois précèdent la disposition d'entrée en vigueur.

Disposition d'entrée en vigueur
13. La disposition d'entrée en vigueur de la loi constitue son dernier article.

Annexes
14. Les annexes, si elles sont nécessaires, se placent à la suite du dernier article de la loi.

Il peut s'avérer utile de mentionner, en tête de l'annexe, l'article auquel elle renvoie. Il en est de même pour les formules (voir l'article 15).

Formules
15. Les formules, s'il est nécessaire de les inclure dans le texte de loi, se placent à la fin, à la suite des annexes, le cas échéant.

Il vaut normalement mieux créer les formules par voie réglementaire ou administrative.

Notes marginales et sommaire
16. (1) Chaque article est assorti d'une note marginale succincte.

(2) Un sommaire qui énonce la note marginale de chaque article peut s'insérer entre le titre et le premier article de la loi.

Le sommaire rend service non seulement au lecteur, mais encore au rédacteur, car sa préparation amène celui-ci à réexaminer le plan de la loi et à remédier éventuellement à des défauts de logique dans la structuration du texte.

Toutefois, un texte de loi qui est très bref n'a pas besoin d'un sommaire.

IV. PRINCIPES DE RÉDACTION

Titre
17. Le titre de la loi indique brièvement la teneur de celle-ci.

Préambule
18. Il est conseillé de ne pas faire usage de préambules.

Énoncé de l'objet de la loi
19. Le cas échéant, il vaut mieux énoncer l'objet de la loi en article qu'en préambule.

Les énoncés de principes ne sont que rarement utiles, puisque la personne qui lit l'ensemble d'un texte de loi bien rédigé devrait facilement en comprendre l'objet. En règle générale, les textes législatifs ne doivent comporter que des dispositions de fond.  Cependant, il est quelquefois souhaitable d'énoncer en termes précis le but d'une disposition (à l'intention des tribunaux par exemple).

Parties
20. La division en parties ne se justifie que si l'objet de chacune d'elles est distinct.

Des intertitres succincts, placés au début de chaque groupe d'articles, peuvent utilement
se substituer, ou même s'ajouter, aux parties.

Emplois des définitions
21. (1) Il convient de faire un usage parcimonieux des définitions et de limiter leur emploi aux cas suivants :
a) utilisation d'un terme dans une acception peu courante, ou dans une seule de ses acceptions;
b) souci d'éviter la répétition;
c) souci d'employer une forme abrégée;
d) utilisation d'un terme nouveau ou inusité.

Le rédacteur ne doit procéder à la rédaction des définitions qu'après avoir réglé les principales dispositions de fond de la loi.

Voir aussi l'article 32.

Teneur de la définition
(2) La définition ne doit pas comporter d'élément de fond.

S'il faut énoncer le champ d'application de la loi, il convient de le faire dans les dispositions de fond et non pas dans les définitions.

Sens naturels
(3) La définition ne doit pas donner aux termes définis des sens artificiels.

Charnières
(4) L'emploi éventuel de charnières pour articuler la définition doit tenir compte de la nuance de sens recherchée.

N.B. La version anglaise du présent paragraphe est différente.

L'équivalence absolue entre terme défini et définition peut se faire au moyen d'une phrase nominale sans l'emploi d'une charnière, ou au moyen d'une phrase verbale avec l'emploi de la charnière « s'entend de » (en anglais, le rédacteur utilise généralement means). La définition qui élargit la portée de l'acception courante du
terme peut recourir à une technique telle que l'assimilation (le rédacteur anglais emploie ici includes). La définition non exhaustive, qui sert surtout à illustrer le sens ou la portée du terme défini, peut recourir à une charnière telle que « s'entend notamment de » (le rédacteur anglais emploie, ici aussi, includes).

En situation de bilinguisme législatif, lorsque le mot includes figure au texte anglais, les deux rédacteurs doivent s'assurer qu'ils veulent bien exprimer la même nuance de sens, chacun selon les ressources de sa langue de travail. Il importe d'éviter l'emploi abusif du mot includes (c'est-à-dire son emploi dans un contexte auquel means conviendrait mieux) et surtout la tournure contradictoire means and includes.

Uniformité
(5) Le terme défini ne s'emploie pas, dans le même texte de loi, dans une autre acception.

Voir aussi le paragraphe 34(2).

Contenu de l'article
22. (1) L'article traite d'une seule idée ou d'un groupe d'idées étroitement liées.

Phrases
(2) L'article (ou le paragraphe, si l'article se divise en paragraphes) comporte une ou plusieurs phrases.

Brièveté de la phrase
(3) La phrase doit être aussi brève que le permettent la clarté et la précision de l'énoncé.

N.B. La version anglaise du paragraphe 24(2) est différente.

La rédaction anglaise traditionnelle voulait que l'article ou le paragraphe, selon le cas, se compose d'une seule phrase.

Dans les deux langues, il convient de composer des phrases brèves et simples. (La règle traditionnelle anglaise de la phrase unique a souvent mené le rédacteur à créer des phrases interminables.) Si la phrase devient excessivement longue, le rédacteur doit d'abord repérer et supprimer les redondances éventuelles. En l'absence de redondance, la division en plusieurs paragraphes est une solution opportune. Enfin, le rédacteur français peut, à l'intérieur de la disposition même, créer plusieurs phrases.

Dans le cas d'une loi bilingue, la version française d'un article ou d'un paragraphe contiendra peut-être plusieurs phrases et la version anglaise une seule phrase, mais les deux versions doivent adopter la même structure formelle (par exemple, il est contreindiqué de faire coexister deux paragraphes dans une version avec trois dans l'autre).

Emploi d'alinéas et d'autres sous-unités de l'article
23. (1) Il convient de limiter l'emploi des alinéas aux contextes où ils aident vraiment à communiquer le message au lecteur. Les sous-alinéas et les dispositions doivent être employés encore plus parcimonieusement.

Enjambement et énumération interrompue
(2) Il convient d'éviter l'enjambement et l'énumération interrompue.

Il est préférable d'éviter l'enjambement, c'est-à-dire la structure résultant de l'intercalation d'une énumération verticale (généralement une série d'alinéas) dans une phrase qui se poursuit au-delà de cette énumération. Une forme aggravée de l'enjambement est l'énumération interrompue, qui se compose de deux ou plusieurs
séries d'alinéas précédées et suivies des tronçons d'une phrase unique. L'enjambement et l'énumération interrompue, qui mènent souvent aux fautes de grammaire et de logique, compliquent inutilement la lecture du texte législatif, en français comme en anglais. En situation de bilinguisme législatif, ces structures rendent très difficile et parfois impossible l'étroite correspondance entre les deux versions au niveau de la forme.

Parallélisme
(3) Les alinéas et les autres sous-unités de l'article doivent être parallèles sur le plan grammatical et sur le plan logique.

Charnières
(4) Il est contre-indiqué d'insérer une charnière entre les éléments d'une énumération verticale.

N.B. La version anglaise du présent paragraphe est différente.

Le rédacteur du texte anglais place « and » ou « or » à la fin de l'avant-dernier élément d'une énumération verticale pour exprimer la conjonction ou la disjonction, tandis que le rédacteur du texte français le fait, au besoin, au moyen des mots qui précèdent l'énumération.

Verbes : indicatif présent
24. (1) Le verbe porteur du sens principal s'emploie au présent de l'indicatif, à moins que le contexte n'exige un temps ou un mode différent. 

Voix
(2) Il convient de privilégier la voix active.

Obligations et interdictions
(3) L'obligation s'exprime par l'indicatif présent du verbe porteur du sens principal ou, occasionnellement, par l'emploi de mots à sens impératif tels « doit » ou « est tenu de » suivis d'un infinitif. L'interdiction s'exprime par « ne peut », l'impersonnel « il est interdit de » ou, occasionnellement, par « ne doit ».

Pouvoirs, droits et facultés
(4) L'octroi ou l'existence de pouvoirs, de droits ou de facultés s'exprime par « peut » ou, quelquefois, par le verbe assorti d'autres formules telles « a le pouvoir (le droit) (la faculté) de » ou « facultativement ».

N.B. La version anglaise des paragraphes (3) et (4) est différente.

Le rédacteur anglais emploie shall pour exprimer l'obligation, shall not pour exprimer
l'interdiction et may pour exprimer l'octroi ou l'existence de pouvoirs, de droits ou de
facultés.

Renvois internes
25. Il convient de faire un usage parcimonieux des renvois internes.

Les renvois internes multiples sont inutiles dans un texte de composition logique.

La clarté exige que le renvoi interne vise la désignation exacte de la disposition à laquelle il renvoie. Il est inutile d'y ajouter la précision « de la présente loi », à moins qu'il n'y ait danger de confusion à cause de la mention d'une autre loi. 

Dérogations et réserves
26. (1) Il convient de faire un usage parcimonieux des dérogations et réserves (« malgré », « nonobstant », « par dérogation à » et « sous réserve de »). Elles ne s'emploient qu'en cas d'incompatibilité, afin de préciser laquelle des dispositions l'emporte.

La reformulation du passage permet d'ailleurs souvent d'éliminer l'incompatibilité.

(2) Si la disposition 1 doit l'emporter sur la disposition 2, il suffit de préciser soit que la première s'applique malgré (nonobstant, par dérogation à) la deuxième, soit que la deuxième s'applique sous réserve de la première. L'emploi simultané des deux techniques est à proscrire.

Insertion de nouvelles dispositions
27. (1) La nouvelle disposition s'insère à l'endroit qui semble le plus logique.

Désignation des nouvelles dispositions
(2) La nouvelle disposition porte un numéro ou une lettre choisis selon le système décimal adopté par la Conférence (Actes des assises de 1968, pages 76 à 89).

Modifications touchant la structure originale
(3) Il convient d'éviter d'apporter aux textes de loi existants des modifications qui risquent de porter atteinte à la clarté de la structure originale.

Il vaut quelquefois mieux refaire complètement la structure originale que d'y rattacher de nouvelles dispositions, surtout si on le fait à plusieurs reprises.

Tableaux et formules mathématiques
28. Il convient d'employer des tableaux et des formules mathématiques s'ils permettent de rendre le texte plus clair et plus concis.

Dispositions habilitantes
29. Il convient d'exprimer clairement les dispositions habilitantes et de limiter leur portée à ce qui s'impose vraiment.

V. NIVEAU DE LANGUE

Langage courant
30. (1) En règle générale, la rédaction du texte de loi se fait en langage courant, tant sur le plan lexical que sur le plan syntaxique. L'emploi de termes techniques se limite aux cas où la précision l'exige.

Destinataires
(2) La terminologie du texte de loi doit être adaptée au public visé.

Redondances et archaïsmes
31. Il convient d'éviter les redondances et les archaïsmes.

Lorsqu'il rencontre des séries synonymiques ou quasi synonymiques, particulièrement stéréotypées dans la rédaction traditionnelle anglaise (par exemple : « give, devise and bequeath », « terms and conditions »), le rédacteur doit s'assurer que chaque mot est vraiment nécessaire et supprimer les redondances. 

Le style législatif doit utiliser une langue moderne et correcte qui évite à la fois les modes éphémères et le conservatisme outrancier. Dans les textes juridiques, on trouve souvent des expressions archaïques dont le sens échappe aux lecteurs modernes. Il faut les remplacer par un équivalent moderne ou, si elles n'ajoutent rien au message, comme c'est souvent le cas, les supprimer.

Néologismes
32. Il convient de faire un usage prudent des néologismes.

Dans les textes de loi, il faut en principe éviter l'emploi de termes qui ne figurent pas dans les ouvrages usuels de référence. Quelquefois la néologie ou l'emploi d'un néologisme non encore passé dans le langage s'imposent; dans ce cas, il est prudent de recourir à une définition précise. L'emploi de néologismes crée des difficultés particulières en rédaction bilingue.

Il est à noter que dans les territoires bilingues de common law, l'utilisation de néologismes s'avérera souvent la seule façon d'exprimer avec précision en français des notions juridiques héritées du droit anglais, pour lesquelles il n'existe aucun « équivalent fonctionnel » satisfaisant.

Xénismes
33. Les latinismes, anglicismes et autres xénismes sont à éviter.

L'expression d'origine étrangère qui a été intégrée au vocabulaire français courant ou spécialisé, donc francisée, ne constitue plus un xénisme.

Traditionnellement, la langue anglaise a favorisé l'emploi de xénismes (surtout de latinismes) plus que la langue française. La rédaction législative moderne en anglais les réserve cependant de plus en plus aux contextes rares où ils sont nettement plus clairs et plus concis que ne le serait leur équivalent anglais.

Uniformité
34. (1) Il convient de ne pas exprimer la même notion, dans un texte de loi, par des termes
différents.

(2) Il convient également de ne pas employer, à l'intérieur d'un texte de loi, le même terme dans des acceptions différentes. Une exception à cette règle se justifie cependant si le sens différent, dans un contexte particulier, est parfaitement clair et qu'aucun autre terme ne convient à ce contexte.

Cette exception ne s'applique toutefois pas aux termes définis, qui ne doivent jamais s'employer dans une acception différente de celle de la définition. Voir le paragraphe 21(5).

VI. RÉDACTION BILINGUE

Il convient que deux rédacteurs, chacun responsable de l'une des deux versions, collaborent sur un pied d'égalité à la rédaction d'un texte législatif bilingue.

L'idéal serait que les rédacteurs soient tous les deux bilingues. La collaboration de linguistes et de traducteurs s'avère souvent précieuse.

Bien que le processus de rédaction unilingue, suivie d'une traduction réalisée après coup, soit généralement plus rapide et puisse sembler plus facile, la corédaction permet une amélioration sensible de la qualité des deux textes. 

Identité du fond
35. Les versions française et anglaise d'une loi bilingue doivent être identiques quant au fond.

Qualité linguistique
36. Chaque version doit être rédigée dans une langue correcte et idiomatique. Ni l'une ni l'autre ne doit subir de rajustements forcés visant à l'adapter aux caractéristiques particulières de l'autre langue.

En situation de bilinguisme législatif, il importe que les rédacteurs français et anglais soient prêts à faire les compromis nécessaires pour concilier le souci de la qualité linguistique avec les principes d'identité du fond et de correspondance étroite au niveau de la structure.

Structure
37. (1) La structure des deux versions du texte de loi devrait être la même.

Le parallélisme de la structure favorise l'identité du fond. Il constitue également un outil précieux pour le nombre croissant d'usagers et d'interprètes de la loi qui font une lecture comparée des deux versions.

Différences acceptables 
(2) Il convient d'employer dans chaque version de dispositions correspondantes la syntaxe la plus adaptée à la langue de rédaction.

(3) Les deux versions d'un paragraphe (ou d'un article sans paragraphes) peuvent se composer d'un nombre différent de phrases.

(4) À l'occasion, une définition peut ne figurer que dans une version.